Le projet et élucubrations toponymiques…
Encore un peu de toponymie pour le projet du jour en version 3/4 : le Pic de La Munia culminant fièrement à 3133m à la frontière franco-espagnole, 3 pour le physique car il n’y a que 1050m et 4 pour le technique surtout avec des névés présents.
Après quelques recherches, ce nom pourrait venir d’après un seul auteur, de l’espagnol « monja » soit « nonne ou moniale » en français…Il est vrai que le cirque de Troumouse donne dans le religieux : cabane de la Vierge, Vierge de Troumouse, les deux (bonnes) soeurs, la brèche de la Clé du Curé,…. Donc une autre (bonne) soeur au sommet , pourquoi pas ?
Mais si l’on en s’en réfère au latin , et surtout pour ne pas le perdre…, ce toponyme viendrait de « moenia » qui signifie muraille ou rempart, ce qui paraît quand même plus plausible au regard de la topographie du lieu, et je retiendrai donc cette interprétation.
Revenons donc à notre projet qui avait un double objectif : faire une belle randonnée technique d’abord et confronter nos expériences en terme de sécurité (rappel, main courante, passage de névés,…)
Effectif réduit au regard de la technicité de la randonnée – névés, pentes raides, passages d’escalade – et de l’objectif formation-sécurité.
Nous sommes donc seulement 6 : 2 encadrants pour 4 participant(e) dont 2 « futur(e)s » initiateurs « randonnée alpine » comme je l’espère.
Le début….
Départ à l’ombre des prestigieux mais méconnus sommets du Cirque de Troumouse – Gerbats, Pic de Troumouse, Pic de La Munia, Pène Blanque de Troumouse – pour une première heure de marche en prenant à peine de dénivelée jusqu’à proximité des « Deux Soeurs » sur un assez bon sentier.
Les choix sur la neige…
Là, changement de décor : un couloir raide avec son névé.
Les statistiques d’accident en randonnée sont claires : les glissades sont trop souvent mortelles que ce soient sur neige ou sur herbe mouillée.
Progression sur le névé ou passage entre neige et rochers ?
Pas d’hésitation, on est en formation et on a crampons et piolet dans le sac comme disent certains… ce qui n’est pas une raison suffisante pour les mettre…
Première question : la neige – dure ou molle -? Deuxième question : la pente ? Troisième question : en cas de glissade, j’atterris où et quel est le risque de blessures voire plus ?
Les réponses arrivent :
- la neige : dure
- la pente : aux alentours de 35°
- le risque : zone d’atterrissage chaotique et risque de blessures sérieuses…
Conclusion : si je glisse et que je n’arrive pas à m’arrêter, je peux me faire très mal…
Après cette analyse rapide mais indispensable, on chausse donc les crampons, sans oublier de mettre le casque sur la tête.
Premier constat après quelques dizaines de mètres de progression : la technique n’est pas parfaitement maîtrisée et les crampons de certain(e)s pas bien mis sur les chaussures….
Petit rappel donc sur la technique de progression et remise en place des crampons pour progresser en sécurité dans une pente pas très raide mais suffisamment pour se faire mal en cas de glissade vu la nature de la zone de réception…
Fin du couloir sans encombre et maintenant une seule consigne pour atteindre le sommet: « suivre les cairns » comme indiqué dans le topo.
Passage exposé et sécurité…
Deuxième difficulté du jour : le mur Passet. Échange sur la façon de sécuriser le passage. Main-courante impossible à poser sans sortir la grosse artillerie, corde fixe avec avec nœud autobloquant, assurage classique à partir du relais en haut du mur ou moulinette,… On retiendra la solution de la corde fixe avec nœud auto-bloquant pour progresser…
Ça a permis de voir déjà que tout le groupe savait faire un auto-bloquant. Pour ce qui est de la progression , tout le monde a pu constater que ce n’était pas évident de manier un autobloquant sur une corde non tendue et que c’était encore plus difficile quand la progression fait un zigzag…
La solution à retenir était clairement la dernière : assurage à partir du relais ou en moulinette, à choisir en fonction de la maîtrise de l’encordement des participants et du nombre d’encadrants.
La suite…
En haut du mur, on reprend pied sur un grand névé plat au départ mais qui se redresse bien sous le col de La Munia et qui me fait hésiter un peu sur le choix de l’itinéraire; On s’en tient à la consigne suivre : « suivre les cairns » et c’est donc dans les blocs et pierriers que nous rejoignons le col.
Et après ? Toujours à la poursuite des cairns, mais il y en a un peu partout : des petits, des bien faits, des bien visibles , des bâclés,… Bref, vous l’aurez compris : la suite du cheminement se fait un peu au feeling plus ou moins sur l’arête parfois aérienne pour arriver au pas du Chat mais sans nonne… Pas de corde fixe comme indiqué dans certains topos un peu anciens et tant mieux, car sur les quelques photos que j’ai vues, ce « ficelou » paraissait avoir du vécu au regard de sa teinte grisée et je n’aurais pas tiré dessus.
Le groupe passe sans problème ce passage et reprend la progression de cairn en cairn pour arriver enfin au sommet après avoir doublé 2 espagnols qu’il avait en ligne de mire depuis un moment…
Enfin la pause bien méritée sous un soleil resplendissant : l’occasion de faire les indispensables photos de famille, et tout aussi indispensable de tirer le casse-croûte des sacs avec, pour Ghislaine, un improbable melon d’1 bon kg… qu’elle partage généreusement… sans oublier le tour d’horizon.
La descente : glissades et rappels…
L’heure de la descente – j’aurais pu écrire l’heure de la retraite en référence au Curé et à nos bonnes soeurs – a sonné.
Reprise de la litanie des cairns – pas toujours les mêmes qu’à la montée – pour retrouver le Pas du Chat et faire notre premier rappel pas nécessaire, mais qui permet de faire le point sur la technique du rappel.
Reverso à l’envers, reverso qui vient s’appuyer sur le noeud auto-bloquant en le faisant évidemment descendre, débat sur la position du descendeur au-dessus ou en-dessous de l’autobloquant,…
Pour Stéphane qui a obtenu le brevet d’initiateur randonnée alpine l’an passé, les 2 solutions sont possibles. Chacune a ses avantages et ses inconvénients rappelés ici:
Autobloquant au-dessus du descendeur
- Avantages:
- intéressant au cas où l’on doit remonter sur son rappel
- Inconvénients:
- l’autobloquant a tendance à se serrer à fond sous le poids du grimpeur. Il peut être impossible à débloquer si les cordes sont mouillées ou gelées!
- une seule main contrôle la vitesse, l’autre étant occupée au-dessus du descendeur à faire coulisser l’autobloquant
- ne permet pas une mise en place confortable du descendeur sur les cordes
- peut compliquer le départ du rappel
Autobloquant en-dessous du descendeur
- Avantages:
- permet de conserver les 2 mains en-dessous du descendeur, et donc de participer ensemble au freinage
- l’autobloquant ne se serre jamais à fond, le poids du grimpeur étant reporté en priorité sur le descendeur
- facilite la mise en place du descendeur sur la corde
- facilite le départ du rappel
- Inconvénients:
- ne permet pas de remonter directement sur les cordes en cas de nécessité
En ce qui me concerne, je suggère d’utiliser la deuxième solution « autobloquant au-dessous du descendeur» au regard de l’expérience acquise en PGHM. Je n’ai eu qu’une seule fois à remonter un rappel et j’ai vu de nombreuses fois des alpinistes bloqués sur un rappel par un autobloquant au-dessus du descendeur qu’il n’arrivait plus à débloquer… A noter que la liste des inconvénients de l’autobloquant au-dessus du descendeur est bien plus longue que celle de l’autobloquant en-dessous du descendeur CQFD…
Ce que j’ai pu constater sur ce premier rappel:
- 2 types de nœuds sont utilisés – machard et nœud français avec des longueurs parfois inadaptés. J’aurais cependant tendance à privilégier le nœud machard qui est un autobloquant réversible (fonctionne dans les 2 sens contrairement au nœud français).
- Reverso utilisé à l’envers, donc il ne peut pas mécaniquement jouer son rôle de frein…
Reprise de la descente en évitant le col de La Munia pour prendre pied sur le névé un peu pentu en son point le plus haut. Crampons ou pas ? On en revient à l’analyse du départ : la neige est molle, la pente est à 30-35° et se termine par un grand replat, jusque quelques cailloux dans la pente,… Donc pas de crampons, ce qui ne semble pas inspirer tout le monde.
Mais l’objectif est de faire des glissades maîtrisées et de la ramasse… Les objections fusent : on va se mouiller, j’ai un pantalon léger, avec un groupe, je ne serai pas descendu par là,…
Mais on est là pour apprendre ou se perfectionner y compris pour les encadrants.
Je montre l’exemple en prenant un peu de vitesse les fesses dans la neige – je confirme, la neige, ça mouille – et je m’arrête sans problème . Les crispations et réticences disparaissent prersque et puis s’il l’a fait, on doit pouvoir en faire autant… Tout le groupe se jette donc dans la neige avec plus ou moins d’enthousiasme et les glissades s’enchaînent, toutes bien gérées. Tentative de ramasse, mais avec les piolets courts d’aujourd’hui, c’est loin d’être évident… C’est donc uniquement sur les 2 pieds que je glisse un peu en maintenant non sans mal mon équilibre mais sans poser les fesses quand même…
Finalement on rejoint le haut du mur Passet, certes un peu mouillé, mais avec le sourire…
Deuxième rappel : tout est bien géré par l’ensemble des participants.
Et on repart vers le dernier obstacle du jour le névé de départ : en tête du groupe et la tête en l’air, je descends allègrement et je rate la vire qui doit nous ramener en haut du névé de départ… Troisième rappel: rappel à l’ordre de Stéphane relayé par Ghislaine pour moi – bonne communication – et je remonte donc les 50 mètres descendus inutilement…pour rejoindre le groupe.
Éternelle question : crampons ou pas ? Compte-tenu de l’aspect pas du tout sympathique zone d’atterrissage 100 m plus bas, ce ne sera ni l’un ni l’autre, et je joue donc la sécurité : c’est entre neige et rocher que nous descendons et ce étonnamment bien. Petit remplissage de gourde et c’est reparti pour rejoindre les voitures au pas de charge sur un bon sentier non sans avoir encore un peu joué sur le dernier névé du jour : on ne se refait quand on est avant tout randonneur à skis…
La fin de l’histoire…
Enfin les voitures : tout le monde est content d’être arrivé…après 1050 m de dénivelée et 10 km parcourus.
Dernier arrêt convivial à l’auberge du Maillet avec un excellent gâteau fait maison apporté par Cathy.
Les participants du jour : Cathy, Chantal, Ghislaine, Bernard
Les GO du jour : Stéphane et Michel
La trace du jour : https://www.visugpx.com/fiAJbEINUQ
Les photos du jour :